L’intention d’origine était de faire un spectacle capable de toucher, d’émouvoir le public, tout comme la musique qui peut donner la chair de poule. Ugo a travaillé pendant une semaine avec Nico Frijda, professeur émérite de psychologie à l’Université d’Amsterdam. En tant qu’auteur de l’ouvrage de référence The Emotions (1986), Frijda est considéré comme l’un des plus éminents spécialistes des émotions. Après de nombreux entretiens et tests, ils se sont lancés dans des expérimentations sur la respiration : ils ont remarqué qu’en travaillant avec des manières très spécifiques de respirer (ou de ne pas respirer du tout), le public avait tendance à copier ces respirations. Cela a ouvert la voie pour guider un public à travers différents états d’esprit et à jouer ses émotions. Ces recherches préalables ont conduit à la grande pureté du spectacle WOMEN : pour que l’intensité de cette respiration s’épanouisse pleinement, tout le spectacle est dansé sans musique, pour préserver la clarté de l’expérience et pour montrer que les corps et les mouvements purs pouvaient avoir un grand impact, on a choisi de ne pas adopter de scénographie ni de lumières spéciales : l’intégralité de la bande sonore est composée des bruits que produisent les danseuses avec leur respiration, tout le spectacle se déroule sur une scène nue avec juste une lumière blanche, toute simple.
Une deuxième orientation importante pour WOMEN était le choix de travailler avec des danseuses toutes plus âgées que l’âge cliché au-delà duquel les gens pensent que les danseuses ne sont plus bonnes à rien : toutes les danseuses de WOMEN ont entre 30 et 60 ans, beaucoup d’entre elles sont des mères. Pour Ugo, il était important de montrer qu’il pouvait aussi créer un spectacle professionnel sans compromis avec ces danseuses soi-disant trop âgées.
Grâce au matériel complexe et physique, le chorégraphe essaye de plonger les danseuses dans un état de concentration et de fatigue tel qu’elles oublient de jouer un rôle. Pour Ugo, il était fondamental de montrer la femme derrière la danseuse : même si le matériau de danse n’a rien de cliché et n’est pas spécifiquement ‘féminin’, nous avons sous les yeux huit véritables femmes. Grâce à la simplicité, mais aussi surtout à l’âge des danseuses, de très nombreux spectateurs se sont reconnus dans les performers, un deuxième élément qui explique que WOMEN touche et émeuve le public.
Le matériau de danse de WOMEN est vaste et parfois très dur. Sur scène, nous voyons des femmes fortes, des personnes courageuses et curieuses, à mille lieues des clichés que nous imposons trop souvent aux femmes.
Pour De Morgen, WOMEN était la découverte la plus fascinante du Vlaams Theaterfestival 2011:
« C’est une chorégraphie géniale où les performers peuvent être libres, exécuter les mouvements tels qu’ils s’adaptent à leur corps et à leur réflexion. C’est pour cela qu’il y a tant à voir. Nous avons aimé chercher les différences, nous heurter aux similitudes, regarder, écouter, pour nous former une image de qui elles sont, pour imaginer des histoires entières. »
- De Morgen, 25-08-2011, Griet Op de Beeck