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Knack Review - 18/11/2015
Comment danser la démence? Ugo Dehaes le montre dans 'DMNT'

Dans DMNT, la tendresse avec laquelle Ugo Dehaes danse la démence laisse songeur et on en veut plus.

The Play = DMNT
Compagnie = kwaad bloed
En une phrase = S’égarer dans sa propre tête : la retenue de ce spectacle le rend fragile et poignant.
Point culminant = Le solo de Kayako Minami où elle danse la confusion totale en effectuant avec grâce toutes les contorsions imaginables.
Plus d’infos: www.kwaadbloed.com

Un carrousel qui s’emballe, voilà comment doit se sentir un cerveau dément. Même si chacun a de temps en temps la sensation que son cerveau s’emballe ou que c’est le blanc total en situation de crise. Ugo Dehaes avait envie de faire un spectacle de danse sur ce cerveau qui se désagrège, avec Charlotte Van den Eynde et Kayako Minami. DMNT est le résultat intimiste de cette intention.

Au début, tous trois occupent tranquillement la scène où des faisceaux de lumière jaune jettent un éclairage parcimonieux. Le squelette d’une aile de planeur est suspendu au-dessus de la scène. Van den Eynde porte une robe ocre, Dehaes un T-shirt gris et un pantalon gris et Minami une robe blanche, comme une chemise de nuit sobre. Les trois performers se tournent autour et leurs bras se cherchent mais sans aucun vrai contact. Pendant ce temps, on entend un vague grincement. Peu à peu, leurs mouvements se bloquent. Quelqu’un s’arrête, quelqu’un d’autre se met à bouger très vite ou s’effondre par terre. Tous trois s’agglutinent de nouveau et s’endorment sur les épaules les uns des autres. Le léger grincement n’est plus constant, il s’interrompt, reprend, saccadé ou se transforme en un son beaucoup plus fort.

Dehaes crée un carrousel de portraits dansés de cerveaux où les danseurs s’enchevêtrent de plus en plus pour finalement s’écarter une nouvelle fois.  Avec ces regards qui en disent long. Dehaes danse avec un regard déconcerté, Vanden Eynde en fronçant légèrement les sourcils et Minami avec un visage figé, les yeux inexpressifs rivés dans l’espace. On dirait les yeux d’un petit oiseau qui ne sait plus comment voler. Voilà comment les trois performers traduisent les émotions qui ressortent lorsque l’on perd momentanément (ou définitivement) tout contact avec le monde.

Ce portrait d’une maladie est bien plus que cela. C’est avant tout un portrait d’un état d’être dans lequel nous nous retrouvons de temps en temps, un état où nos ailes se bloquent et où nous ne parvenons plus à voler dans la vie. L’intimité de ce spectacle le rend fragile et pourtant poignant. Même s’il aurait pu être un peu plus long, et communiquer avec un peu plus d’intensité avec le public. On regarde ce cerveau, ce carrousel qui s’emballe, mais on est moins partie prenante qu’on ne le voudrait.

- Els Van Steenberghe

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