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Dansmagazine - 12/01/2016
Chaos organisé dans DMNT de Ugo Dehaes
Lieneke Mous

DMNT est un portrait intime, abstrait et pourtant personnel, qui permet la discussion sur la démence et l’illustre. Mais en même temps, le chaos du cerveau auquel on assiste reste un peu trop contrôlé. DMNT est le nouveau spectacle de danse de Ugo Dehaes, directeur artistique de la compagnie belge de danse Kwaad Bloed.
L’ouverture est touchante, car je me sens invitée dans une histoire personnelle. Dehaes crée DMNT, parce que son beau-père souffre de démence et qu’il veut explorer ses propres sentiments face à la maladie et rendre la discussion possible par l’intermédiaire du mouvement. Vu le jeudi 7 janvier au Stadsschouwburg à Utrecht.

La démence illustrée dans le spectacle de danse de Dehaes
Les trois danseurs se déplacent en tournant, en glissant dans toutes les directions sur la scène, leurs bras s’agitent en mouvements chaotiques au-dessus de leur tête. De temps en temps, l’un d’eux s’immobilise. Les regards sur les visages des danseurs semblent vides, il n’y a ‘personne’. Les vêtements des danseurs contribuent à l’image. Les deux danseuses, Kayoko Minami et Charlotte Vanden Eynde, portent une petite robe toute simple aux couleurs passées et Dehaes – qui danse aussi – porte un t-shirt et un pantalon en lin. Ces habits sont incolores, inexpressifs. Comme si le chorégraphe voulait dire ainsi que les gens atteints de démence n’existent plus.
A un moment, les danseurs sont tout proches les uns des autres, muets, convulsifs. Ils ne se regardent pas. Un silence total plane. On ressent l’intangible de la maladie.

“Bruits irritants” de Roeland Luyten
Des bruits quotidiens, comme le gazouillement des oiseaux, un avion qui décolle et le vrombissement d’un grand appareil électrique, nous parviennent en version abstraite. Trois fois pendant le spectacle, on entend un bruit assourdissant – composé par Roeland Luyten – qui fait l’effet d’être la folie dans la tête de quelqu’un atteint de démence. Pour me protéger, je plaque les mains sur mes oreilles, et l’espace d’un instant, je me sens devenir folle.

Vulnérabilité pour la fin
A la fin du spectacle de danse, Vanden Eynde se tient devant. Elle se détourne du public. Je me demande ce qui se passe dans la tête d’une personne frappée de démence. La jambe de la danseuse cède : son genou a des spasmes. Ce mouvement se transforme en une démarche gracieuse ; la danseuse, sur les pointes, se détourne du public et s’éloigne vers le fond de la scène. Elle se retourne de temps en temps, subtilement, comme pour dire : « Regardez, je suis toujours là. » Moment de vulnérabilité.
 
Le sous-titre de DMNT « un spectacle de danse sur oublier et être oublié » se révèle d’une part dans l’expression du chaos dans l’espace et dans les corps incontrôlés. Les moments vulnérables au début et à la fin du spectacle y contribuent beaucoup aussi. D’autre part, le fait que les danseurs contrôlent si bien leurs mouvements est parfois au dépend de la crédibilité. Peut-être cela tient-il aussi au fait que Dehaes, en tant que chorégraphe, semble se préoccuper un peu trop des autres danseuses. On remarque une dualité entre les danseurs et lui. Le chaos est un rien trop organisé et contrôlé.

Tout bien considéré, DMNT est un spectacle de danse émouvant, une petite fenêtre ouverte sur le journal intime personnel de Dehaes, empreint de valeurs qui brisent les tabous.

DMNT est à l’affiche de la Maison de la Culture flamande De Brakke Grond à Amsterdam du 16 au 20 février. Pour plus d’infos, consultez le site de Kwaad Bloed.
 

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