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La Libre Belgique - 24/03/2021
Afropixel : les défis de l’art numérique vus du Sud

À Namur, vient de s’ouvrir le passionnant Pavillon, géré par l’ASBL Kikk qui, en dix ans, est devenue une référence internationale pour sa capacité à jeter des ponts entre l’art, la science et la technologie, avec chaque année, le Kikk Festival et ses 30 000 visiteurs.

L’Afrique aussi a cette ambition de “comprendre, questionner, soutenir et impulser les nouveaux possibles liés à la transformation numérique de la société par le biais de l’art, de l’expérimentation et du sensible” .

En témoigne le Festival Afropixel, qui se déroule actuellement à Dakar et en ligne jusqu’au 17 avril. Il en est à sa huitième édition et, lui aussi, veut encourager l’intégration du multimédia dans les pratiques artistiques à travers des résidences, des débats, des performances, des expositions et des ateliers.

Une initiative menée entre autres par l’association Kër Thiossane à Dakar. L’ASBL Kikk y participe activement et les Africains seront à leur tour invités au prochain Kikk Festival belge cet automne.

Marie du Chastel, programmatrice artistique du Kikk Festival et du Pavillon, explique : “Il y a plusieurs années déjà, nous nous sommes rendu compte que le monde des nouvelles technologies était très blanc, masculin, lié aux 30-40 ans, avec une esthétique lisse, type design des Mac. Nous avons mené des actions pour changer cette perception, entre autres vers les enfants en partenariat avec la Gaîté lyrique à Paris qui est un lieu qui met en lumière les cultures post-Internet. En collaborant aussi avec des organisations semblables en Afrique (le Fablab Woelab au Togo, Kër Thiossane à Dakar), nous voulons déconstruire cette image réductrice, très science-fiction américaine des nouvelles technologies et de l’art numérique pour l’ouvrir à des artistes africains ayant d’autres imaginaires et traditions. Ceux-ci ont aussi d’autres pratiques. On voit, par exemple, comment ces artistes, par nécessité, pour créer, peuvent réutiliser des composants trouvés dans les décharges et proposent une esthétique neuve et rafraîchissante.”

Les rapports entre le Kikk et l’Afrique sont vus comme des échanges où chacun a quelque chose à y gagner. Le Kikk est en lien à Dakar avec la Belge Delphine Buysse, commissaire d’exposition indépendante installée dans la capitale sénégalaise depuis 2018 et programmatrice à Afropixel.

L’exposition virtuelle (à cause de la pandémie), intégralement disponible en ligne, présente des œuvres et installations incitant à “une certaine prise de conscience des possibles dérives sociétales” induites par ces technologies de contrôle qui transforment déjà notre vie quotidienne. Parmi les œuvres de la trentaine d’artistes, on retrouve des artistes présents au Pavillon à Namur comme Ugo Dehaes et ses bocaux protégeant des embryons, mais qui, ici, contiennent des morceaux de robots qui palpitent encore dans le formol comme des organes vivants. Ou Fiipe Vilas Boas qui présente à Namur ce robot industriel assis sur un banc d’écolier et qui doit comme punition écrire sans fin “I must not hurt Humans”.

Le thème du festival est les “Communs”, une notion de réappropriation collective pour le bien – et non pas au profit – de tous, notion réactivée dans le sillage de l’open-source et nécessaire pour ouvrir l’Afrique à des futurs communs.
Le festival invite le public à regarder l’art et la technologie en tant que moyens d’action et propose trois “agoras” virtuelles sur des sujets comme les biens communs vus depuis les suds, la place de l’intelligence artificielle dans l’art et quels en sont les menaces et enjeux en Afrique (débat le 31 mars avec entre autres, Delphine Buysse et Marie du Chastel).

Des résidences virtuelles d’artistes et des ateliers sont proposés. L’un d’eux destiné aux ados est animé par l’artiste Ugo De Haes qui va les aider à assembler de petits robots.

Ces partenaires (Kër Thiossane, Delphine Buysse, Kikk…) vont continuer à collaborer entre autres par une participation africaine au Kikk Festival cet automne.

Guy Duplat

Afropixel, jusqu’au 10 avril, https://www.afropixel8.com
 

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