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Le Bourlingueur Du Net - 16/01/2014
BLEU BLEU

Les acteurs sont là chez eux, dans leur squat d'artistes et nous, spectateurs, y entrons littéralement. Le décor nous y invite et nous happe presque comme le provoquerait une absorption d'hallucinogènes! Les dimensions rétrécissent, les barrières sautent! Nos sens sont en éveil! en réveil?

La vue est sollicitée de multiples façons. Par le cadre: un intérieur bourgeois délabré, les styles vestimentaires hétéroclites des personnages partagés entre la revendication textile et la négligence progressive, des objets symbolisant une forme de décadence (accumulation de bouteilles vides d'alcool, tas de drogue exhibé en premier plan) qui sont presque comme des vanités à l'image des bougies consumées et les lumières plus ou moins intenses mettant en exergue le texte.

L'ouïe justement est saturée par un flot de mots, un bavardage intempestif interrompu soudainement... Cette logorrhée psychédélique n'est pas assourdissante. Elle pointe des états d'esprits, des réflexions parfois dramatiques parfois ridicules et drôles mais qui donnent à entendre une génération dans la recherche, le questionnement perpétuel. Pour appuyer cette atmosphère sonore, une table de mixage, une guitare et deux individus neutres viennent défier les résonances pour nous plonger dans une sensation de vibrations saisissantes!

Je suis touchée physiquement par ces mots tels des coups de poings, ces intermèdes musicaux, ces dialogues ou monologues crachant frustrations et aspirations variées. J'ai été impressionnée par les nuances incarnées par des personnages qui se distinguent chacun les uns des autres par des spécificités : posture, apparence, voix, style vestimentaire, occupation de l'espace,... et qui nous donnent à voir des individualités et non une vague génération stigmatisée de "perdue", "déchue", "sacrifiée". Je n'ai que 4 ans à cette époque mais cette vision fait écho à des ouïs-dires, des souvenirs de mes frères et sœurs, de ce que j'entends aujourd'hui d'une génération encore plongée dans la perte, mais toujours à la recherche d'un temps meilleur, d'un mieux-vivre, mieux survivre, par le biais d'une pilule bleue, ou d'une poudre blanche, ...

(Critique de Sophie Janin, Le Bourlingueur du Net)

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